Chambre des mises en accusation, procès en appel du 21 Septembre 1872
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J'ai découvert à la BNF avant-hier un document
passionnant concernant l'insurrection de 1871: c'est un document
qui m'a littéralement clouée sur ma chaise, et que j'ai
rendu avec regret au bibliothécaire en fin de journée, en me promettant
d'y revenir assurément...
Il s'agit d'un acte d'accusation
rédigé par le procureur général de la cour d'appel d'Alger - procès
jugé en renvoi aux assises de Constantine: c'est l'acte d'accusation
de 213 prévenus ayant participé à l'insurrection de 1871, dont:
- Ahmed Bou Mezrag Ben El Hadj El Mokrani
- Azziz Ben Mohamed Ben Cheikh El Haddad
Parmi les 213 accusés j'ai noté un très grand nombre de notables et de chefs de tribu: 74 caïds, cheikhs ou marabouts.
Le
nom de chacun des accusés est d'abord cité, en précisant si la personne
est en fuite ou détenue (soit 136 détenus, 6 sans mention, les autres
en fuite). Chaque accusé porte un numéro qui est rappelé dans
l'acte d'accusation, à côté de son nom: par exemple Azziz El Haddad,
est le numéro 77.
Ensuite,
les charges retenues contre les accusées sont
énumérées une par une, en regroupant les personnes ayant participé aux
mêmes faits. Les charges sont regroupées aussi par zone géographique,
chaque accusé pouvant donc apparaître plusieurs fois. Je n'ai pas noté
de chiffre, mais de mémoire il doit y avoir environ 250 chefs
d'accusation. En voici quelques exemples:
"
(les accusés suivants sont accusés de:)
142. Mohamed Ben Belkacem Ben Fialah
1.
D'avoir, dans les cercles de Djidjelli et d'El Miliah, dans le courant
de l'année 1871, participé à un attentat ayant pour but, soit d'exciter
à la guerre civile, en armant ou en portant des citoyens ou habitants à
s'armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le
massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes
2. De s'être,
dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, soit pour envahir des
domaines, propriétés ou deniers publics, places, villes forteresses,
postes, magasins, arsenaux ou bâtiments appartenant à l'état; soit pour
piller ou partager des propriétés publiques ou nationales, ou
celles d'une généralité de citoyens; soit enfin pour faire attaque ou
résistance envers la force publique, agissant contre les auteurs de ce
crime, mis à la tête de bandes armées, ou d'y avoir exercé une fonction
ou un commandement quelconque, oun de les avoir levées ou fait lever,
organisées ou fait organiser.
131. Amar Ben Bouaraour,
De
s'être, à Guerrouch, cercle de Djidjelii, dans le courant des
mois de mai et de juin 1871, rendu complice des crimes d'incendies
volontaires d'édifices, de magasins habités ou servant à l'habitation,
commis par des auteurs faisant partie des bandes ci-dessus spécifiées,
au préjudice de la Société Forestière algérienne.
Soit en provoquant
par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir,
machinations ou artifices coupables, les auteurs de ces crimes à
commettre;
Soit en leur donnant des instructions pour les commettre;
Soit en les aidant et assistant avec connaissance dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé lesdits crimes;
...
" Suite
à l'énumération de ces charges figure le verdict du tribunal - tous
étant jugés coupables sans exception. Figure alors une liste reprenant
tous les noms des accusés, mais précisant cette fois l'état civil, le
métier et la situation familiale de ceux-ci quand elle était connue.
Je
n'ai pas recopié le détail des 213 noms... mais pour exemple j'ai noté
tous les Mokrani trouvés, mais aussi une personne a priori venant de
chez les Ouled Attia, ainsi que ce qui est dit sur Azziz El Haddad:
"
- Ali Bouzid El Mokrani, caïd des Beni Abbes
(en fuite)
- Ben Abdallah Ben El Hadj Ahmed El Mokrani,
caïd des M’gueddem (en fuite)
- Cherif Ben Abdrerrahman El Mokrani, caïd des
Dréats (en fuite)
- Dahman bel Gandouz El Mokrani (en fuite)
- Hamoud Ben Bourenan El Mokrani, caïd des M’Zitas (en fuite)
- El Hadj Dahman Ben Abderrahman El Mokrani, caïd des Dreats (en fuite)
- Lakdar Ben Abderrrahman El Mokrani, caïd des Beni Yadel (en fuite)
- Mohamed Ben Kouider El Mokrani, khalifa du bachagha (en fuite)
- Si Seghir Ben Bourenan Mokrani, caïd des Mahdids (en fuite) (Maadid)
- Ahmed Ben Abdallah Mokrani, caïd des Ayards (en fuite) (Ouled Ayad)
- Mohamed Ben Abdesselam El Mokrani, caid d’Aïn-Tagrnout (en fuite) (Ain Tagrout)
-
Ahmed Bou Mezrag Ben El Hadj El Mokrani, ex
caïd de l’Ouennougha, agé de trente cinq ans, né et demeurant à la
Medjana,
arrondissement de Sétif, fils de El Hadj Ahmed Ben Mahamed khalifa de
la Medjana et de Lalla Ould Kouider, marié, un enfant, lettré, non
repris de
justice (Détenu)
- Ali Bourenan Mokrani, caïd des Ouled Krelouf,
agé de 58 ans, né et deumeurant à la Medjanah, (Ouled Khelouf) arrondissement de Sétif, fils
d’Ali Ben Bourenan et de Zouina Ben Abdesselam, marié, cinq enfants, lettré,
non repris de justice (détenu)
- Messaoud Ben Abderrahman El Mokrani, sans
profession (en fuite)
- Ahmed Ben Chellali El Mokrani, sans
profession (en fuite)
-
Azziz Ben Mohamed Amzian Ben Cheikh El Haddad, ex caïd des Amouchas,
cheikh de Krouan, agé de 31 ans, né et demeurant
à Seddouk, arrondissement de Sétif, fils de Mohamed Amzian Ben Haddad
et de Fathma Bent Yahia, marié à trois femmes, quatre enfants, lettré,
se disant non
repris de justice (détenu)
- Yussef Ben Amokran, adel de la 25e
circonscription judiciaire du
cercle de Djidjelli, arrondissement de Philippeville, agé de 40 ans, né
aux Beni Amran
(Djidjelli), arrondissement de Philippeville, demeurant aux Beni Ider,
fils de Si Ahmed Ben Amokran, et de …, marié, cinq enfants, lettré, non
repris de justice.
- Daas Ben Ahmed, garde particulier, agé de 45
ans, né et demeurant aux Beni M’tizan, Ouled Attia (Collo), arrondissement de Philippeville,
fils de Ahmed Ben Belkacem et de Aïcha Bent Braham, marié, six enfants,
illétré, non repris de justice
"
<>
Une fois tous les noms énumérés, il est dit que:
"
Enjoint au gardien de ladite maison de les
recevoir et des écrouer sur les registres, en se conformant à la loi.
(les accusés) Seront pris au corps et conduits sous bonne et
sûre garde, dans la maison de justice établie pour la cour d’assises du
département de constantine, où ils seront écroués comme acteurs des crimes de
excitation à la guerre civile, pillages, incendies, dévastations, assassinats
et complicité ci-dessus spécifiées, prévus et punis par les articles 91, 96,
434, 437, 440, 442, 295, 296, 297, 302,
304, du code pénal.
Fait et prononcé, en chambre du conseil, au
palais de justice à Alger, le samedi 21 septembre 1872.
"
Et en dernière page, figure l'acte bilingue arabe/français qui fut ensuite remis à chaque accusé afin de lui notifier sa culpabilité et la peine à laquelle il était condamné.
Je pense que ce document est un incontournable pour ceux qui
recherchent un ascendant qui pa participé à l'insurrection et qui a été
jugé par la suite...ou pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur l'insurrection.
En voici les références:
Cour d'Appel d'Alger
Chambre des mises en Accusation.
21
Septembre 1872. Le Procureur général contre Ali Ben Bourenan
Mokrani et 212 autres...Pillage, incendies, assassinat et complicité
de ces crimes. Renvoi aux assises de Constantine.
Alger, imprimerie de Aillaud, 1872
Côte LK8-994, Bibliothèque Nationale de France